Association Histoire et mémoire ouvrière en Seine-Saint-Denis

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>>La solidarité avec l’Espagne républicaine en banlieue Nord-Est

En juillet 1936, le gouvernement de front populaire espagnol mis en place quelques mois auparavant, est menacé par la rébellion des garnisons du Maroc. Le putsch des militaires s’étend rapidement, prend la dimension d’une guerre civile au cours de l’été. Les villes tombent aux mains des rebelles, les populations civiles ne sont par épargnées. Le gouvernement français hésite, puis, sous la pression internationale, décide d’une politique de non-intervention face au conflit espagnol pour contraindre l’Italie, l’Allemagne et le Portugal à la neutralité. Stratégie inefficace puisque ces trois pays apportent leur soutien aux généraux rebelles par l’envoi d’armes et de troupes.
En France, la guerre d’Espagne est suivie avec un intérêt majeur. L’envoi de journalistes reporters sur les différents terrains permet de connaître l’évolution de la politique internationale, et de suivre avec précision les phases du conflit . Il devient vite évident que la situation espagnole est le premier engagement vers une guerre mondiale. Dans la région parisienne, la mobilisation est forte, à Paris comme en banlieue. Partisans et adversaires de la République espagnole s’affrontent et cherchent à convaincre une population attentive. En banlieue nord-est, la solidarité aux combattants et à la population espagnols s’exprime dès l’été 1936 sous de multiples formes. La situation en Espagne déclenche une prise de conscience de la situation internationale et les premiers doutes sur le gouvernement de Front populaire. C’est une première secousse dans la cohésion qui a présidé à l’arrivée au pouvoir des élus socialistes ; elle s’ancre dans les esprits au point de devenir un élément-clé pour la compréhension des événements ultérieurs en région parisienne : dans les banlieues ouvrières, l’Espagne est proche. De nombreux ouvriers espagnols travaillent et vivent dans une proximité géographique et souvent idéologique avec les travailleurs français. L’attitude de grande prudence observée par le gouvernement ne correspond pas à l’élan qui a porté le Front populaire au pouvoir. En banlieue nord-est, le soutien apporté aux républicains espagnols est une réponse la prudence du gouvernement. Un premier désaveu aussi.
La solidarité est à la fois affaire d’idéologie et affaire d’organisation. Meeting, tracts, affiches et conférences informent, mais sont aussi le lieu de quêtes et de sollicitations des bonnes volontés. Des personnages célèbres viennent prendre la parole, présenter des combattants de retour du front qui remercient les habitants de leurs efforts et les encouragent à continuer. On collecte de l’argent, des vêtements, de la nourriture. Quelques volontaires partent au front rejoindre les brigades internationales, mais ceux-là sont peu nombreux. Puis, avec l’avancée des troupes franquistes, vient le temps de l’accueil des réfugiés et notamment des enfants espagnols. Terre populaire, la banlieue nord-est est aussi traversée par des courants contradictoires : les adversaires des républicains prennent aussi la parole et apportent des témoignages allant à l’encontre des récits des brigadistes.
La dispersion des sources ne facilite pas le travail des historiens étudiant les répercussions des événements internationaux en banlieue ouvrière. Le sujet renvoie cependant à de grandes questions d’histoire sociale des années d’avant la seconde guerre mondiale. C’est bien entendu la perception du conflit espagnol et des enjeux européens parmi la population de banlieue qui est au centre de la question, mais aussi les stratégies et le travail de terrain engagé par les organismes et les partis pro-républicains et pro-franquistes, car la banlieue est, comme la capitale, lieu d’affrontement politique. Ce thème est aussi l’occasion d’aborder le sujet des rapports entre français et étrangers, entre français et travailleurs immigrés, entre français et réfugiés.

A l’origine, le projet de l’Association histoire et mémoire ouvrière en Seine-Saint-Denis (AHMO) consistait à effectuer un recensement des sources sur la solidarité avec l’Espagne républicaine pour permettre aux chercheurs d’identifier rapidement les différentes formes de soutien et leur évolution dans le temps (engagement dans les brigades, galas de soutien, conférences, accueil de réfugiés…) ; les " parcours " d’orateurs à travers cette banlieue populaire et les diverses interventions qu’ils ont faites ; l’appui des personnalités locales et l’analyse de la police ; l’accueil des populations aux diverses manifestations dans le temps ; les rapports tissés avec les espagnols - mais aussi les immigrés italiens, particulièrement présents localement et intéressés par le conflit espagnol-. Céline Lenormand a été chargée de ce travail, sous la direction de Sylvie Zaidman.
Après expertise des fonds disponibles sur le sujet, il nous est apparu que les sources sur l’opinion et le conflit espagnol en banlieue nord-est sont diverses et peu structurées. Les fonds versés dans les services d’archives municipaux, notamment dans les communes socialistes et communistes en 1936, apportent parfois des éclairages sur l’organisation de la solidarité, un aperçu sur le soutien direct apporté aux réfugiés. Une première recherche a cependant permis de confirmer que les sources les plus intéressantes se trouvent dans les fonds militants, nottament dans la presse et les fonds syndicaux. Les archives de source administrative (préfecture de police, archives nationales), donnent aussi des éléments d’information. La thèse de Natacha Lillo, " Espagnols en banlieue rouge ", et ses recherches préalables nous ont été particulièrement précieuses.
Nous avons donc choisi d’offrir aux chercheurs et enseignants une rapide présentation du sujet, quelques biographies, et, par liens, une orientation dans les diverses sources pour présenter ce que l’on peut espérer y trouver, en axant nos efforts sur le dépouillement de quelques titres de la presse locale. Nous complétons ainsi le travail entamé avec la journée d’études qui s’est tenue fin 1999 aux Archives départementales. A la consultation des actes, sur le site internet du dictionnaire biographique du mouvement ouvrier (maitron.org), s’ajoute désormais la consultation de l’état des fonds d’archives sur la solidarité en banlieue nord est avec l’Espagne républicaine.

Sylvie Esther Zaidman
Céline Lenormand


AHMO 2008-2010